Comme chacun le sait, les loyers des biens immeubles qui ne sont pas affectés à usage professionnel sont fort peu taxés en Belgique. L'imposition du revenu cadastral, même indexé, est sans commune mesure avec la taxation du loyer réel, même après déduction des charges.
La différence est encore plus flagrante avec les revenus immobiliers recueillis à l'étranger : la Belgique reprend en effet la valeur locative réelle comme base de taxation de ces revenus en Belgique.
Certes, pour tous les Etats de l'Union Européenne, il existe une convention préventive de double imposition en vertu de laquelle cette valeur locative réelle n'est pas imposée en Belgique mais ne sert qu'à déterminer le taux marginal d'imposition sur les autres revenus belges imposables.
La Commission européenne vient encore de rappeler à la Belgique que cette manière d'aborder la fiscalité immobilière constitue une infraction aux règles de libre circulation des capitaux.
Un simple exemple suffira à s'en convaincre : vous avez une maison en Belgique dont le revenu cadastral non indexé est de 800 euros. Compte tenu du coefficient d'indexation du revenu cadastral, le revenu imposable pour l'exercice d'imposition 2014 sera de 1.345 euros. Cette maison a une valeur locative de 1.100 euros par mois. Le loyer réel est donc de 13.200 euros, à comparer aux 1.345 euros de revenu imposable...
Prenez la même maison située dans une autre Etat de l'Union européenne : ce sont bien les 13.200 euros qu'il faudra déclarer, ce qui fera très vite monter l'addition sur vos autres revenus belges, dont les tranches d'impôt seront calculées non pas à partir de 1.345 euros mais à partir de 13.200 euros.
La discrimination est donc manifeste et il ne fait aucun doute que si la Belgique persiste dans ses errements, elle sera une fois de plus condamnée par la Cour Européenne de Justice.
Il y a donc deux solutions pour le gouvernement :
- Soit changer la loi afin qu'il ne soit plus fait recours à la valeur locative réelle pour les immeubles situés à l'étranger. Même si cela concerne un certain nombre de contribuables, le profit qu'en retire l'Etat ne doit pas être mirobolant, d'une part parce que l'impact ne situe que sur le taux marginal des autres revenus belges, mais d'autre part et surtout parce que beaucoup de contribuables « s'arrangent » avec la valeur déclarée, ce qui est d'autant plus facile que le fisc belge n'a pas les moyens de la contrôler
- Soit changer la fiscalité immobilière belge et taxer tous les revenus immobiliers sur base des loyers, ... voire de la valeur locative réelle.
La seconde solution rapporterait des sommes énormes à l'Etat, mais elle ferait en même temps exploser le marché immobilier belge. Les propriétaires de biens donnés en location seraient désemparés par le rendement de leur bien, et à défaut de pouvoir le vendre, procéderaient à une majoration substantielle du loyer. L'impôt serait donc reporté sur les locataires. Mais si l'on procède également de la sorte pour les biens occupés à titre personnel (n'oublions pas que pour les immeubles détenus à l'étranger, c'est aussi la majorité des cas), les propriétaires se verraient étranglés par une majoration exponentielle de l'impôt sur l'habitation qu'ils occupent.
Le gouvernement a annoncé qu'une grande réforme fiscale était nécessaire. Nous ne le contredirons pas, le code des impôts sur les revenus ne répondant plus à aucun critère de cohérence. Il faudra donc qu'il intègre ces données dans son raisonnement, et en attendant, qu'il modifie l'imposition des biens immobiliers détenus à l'étranger, pour éviter de se voir une fois de plus condamné par l'Europe.
Emile Masset
Rédacteur en chef de Fiscalnet