Application à tort du régime de la marge : comment régulariser ?

26/05/14

Contexte

Le régime de la marge est un système de TVA spécifique qui peut être appliqué par les commerçants en biens d'occasions, moyens de transport d'occasion, œuvres d'art, objets de collection et antiquités (voir Ruysschaert, « De margeregeling toegelicht, Gebruikte goederen, tweedehandse vervoermiddelen, kunstvoorwerpen, voorwerpen voor verzamelingen en antiquiteiten », 2014, www.uga.be).

On applique souvent le régime de la marge à mauvais escient. La question est alors de savoir comment corriger le tir. Dans la pratique, le législateur ne prévoit pas de mécanisme de correction par lequel la régularisation peut être réalisée de façon mathématique (voir aussi T. Lamparelli, « Application erronée ou inexacte du régime de la marge pour les biens d'occasion : établissement de la base d'imposition à la suite d'un contrôle de TVA », Accountancy & Tax, Numéro 4/2005).

L'approche positive

Les biens en question peuvent provenir (= avoir été acquis auprès) des catégories de personnes citées ci-après, qui n'ont pas bénéficié de la déduction, du remboursement ou de l'exemption de la TVA :

-  un particulier ;

-  une personne morale non assujettie à la TVA ;

-  un assujetti à la TVA exempté en vertu de l'article 44 du Code de la TVA (et exempté par l'article 44, § 2, 13°, du Code de la TVA) ;

-  une petite entreprise en vertu de l'article 56, § 2, du Code de la TVA (et lorsqu'il s'agit d'un bien d'investissement) ;

-  d'un autre assujetti revendeur.

L'approche négative

Les biens en question NE peuvent PAS provenir des catégories de personnes citées ci-après, qui ont bénéficié de la déduction, du remboursement ou de l'exemption de la TVA :

-  un assujetti à la TVA qui dépose des déclarations périodiques de TVA;

-  un assujetti à la TVA en vertu de l'article 57 du Code de la TVA ;

-  un organisme international / un diplomate ;

-  un invalide avec droit à restitution en vertu de l'article 77, § 2, du Code de la TVA.

Exemple

Un assujetti revendeur, dont l'activité consiste à vendre des voitures neuves et d'occasion, vend une voiture qu'il a achetée à un diplomate. Étant donné que ce diplomate a bénéficié d'une exemption de la TVA au moment de l'achat de sa voiture, la vente de la voiture par l'assujetti revendeur aurait dû se faire sous le régime ordinaire de TVA.

-  Montant inscrit (à tort) dans le registre des achats :  10.000,00 euros

-  Vente du bien selon le régime de la marge :  15.000,00 euros

-  Bénéfice imposable dans la déclaration à l'impôt sur le revenu : 4.132,23 euros

Analyse

Prix d'achat :   10.000,00 euros

Prix de vente (TVA comprise) : 15.000,00 euros

Marge :  5.000,00 euros qui se décompose en :

-  base d'imposition (chiffre d'affaires) : 4.132,23 euros

-  TVA due qui a été versée :  867,77 euros

1ère méthode : taxe sur la totalité du prix de vente « hors TVA »

En général, le prix de vente du bien est constitué du prix d'achat du bien, plus le bénéfice que le vendeur souhaite retirer sur la vente de ce bien.

Dans l'exemple, l'assujetti revendeur souhaite retirer un bénéfice de 4.132,23 euros sur la vente, de sorte que le prix de vente « hors TVA » est en réalité de 14.132,23 euros (10.000 euros + 4.132,23 euros).

Régularisation :

-  Nouveau prix de vente, TVA comprise :  17.100,00 euros (14.132,23 euros x 1,21)

-  TVA due sur ce prix de vente :  2.967,77 euros (14.132,23 euros x 21 %)

-  TVA déjà payée sur la marge :  - 867,77 euros

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-  TVA due à recouvrer :  2.100,00 euros

À la suite de la modification du « prix de vente TVA comprise » de l'opération, l'assujetti revendeur devra payer un montant de TVA supplémentaire qu'il n'a pas reçu de son client lors de la vente. Pour ne pas subir de perte financière, il devrait pouvoir refacturer auprès de son client le montant de la TVA qu'il a dû payer en plus. Étant donné que la base d'imposition à la TVA reste inchangée (14.132,23 euros), le bénéfice à déclarer à l'impôt sur le revenu reste également inchangé (4.132,23 euros).

2ème méthode : isoler la TVA du prix de vente total

Le prix de vente, TVA comprise, reste inchangé, mais la TVA comprise dans le prix de vente total, et plus uniquement sur la marge de bénéfice, doit être isolée.

Prix de vente, TVA comprise : 15.000,00 euros, comprenant :

-  la TVA due :  2.603,31 euros (15.000,00 euros x 21/121)

-  la TVA déjà payée sur la marge : - 867,77 euros

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-  TVA due à recouvrer :  1.735,54 euros

À l'inverse de la méthode précédente, la base d'imposition à la TVA est réduite (15.000,00 euros - 2.603,31 euros = 12.396,69 euros), de sorte que le bénéfice à déclarer à l'impôt sur le revenu ne sera plus que de 2.396,69 euros (à savoir 12.396,69 euros - 10.000 euros).

Par conséquent, l'assujetti revendeur peut aussi obtenir une réduction d'impôt auprès de l'administration, mais ici celle des contributions directes.

Quelle est la méthode la plus indiquée ?

Vu ce qui précède, il semble que la seconde méthode soit la plus indiquée lorsqu'il s'agit d'une vente à des particuliers ou à des assujettis sans droit (complet) à déduction, parce qu'aucun supplément de prix ne doit leur être réclamé.

C'est aussi pour l'assujetti revendeur la méthode la moins fastidieuse (moins de TVA à régulariser et réduction de la base imposable).

Par contre, en cas de vente à des assujettis avec droit (complet) à déduction, la première méthode devrait être préférée. La TVA que l'assujetti revendeur peut refacturer à son client est en effet déductible, du moins si le bien vendu n'est pas une voiture visée à l'article 45, § 2, du Code de la TVA. Dans ce cas, en effet, la déduction de la TVA est limitée dans le chef de l'acheteur à maximum 50 %.

En outre, il faut tenir compte dans ce cas du délai d'échéance du droit à déduction pour l'acheteur qui, le cas échéant, ne pourra peut-être plus déduire la TVA supplémentaire facturée.

Si l'affaire devait aboutir en justice, il y a tout lieu de croire que les tribunaux se prononceraient en faveur de la seconde méthode (nous faisons référence à un jugement du 4 mars 2004 du Tribunal de première instance de Liège - Rôle n° 03-626-A - qui a accepté l'application de la seconde méthode). Le prix définitif (TVA comprise) convenu entre les parties reste aussi le même, également après la régularisation.

Stefan Ruysschaert

Inspecteur principal d'une administration fiscale

Professeur au BTW Centrum voor Beroepsopleiding Antwerpen (secteur TVA)

Chargé de cours à la Hogeschool de Gand

soruce : fiscalnet


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